help me I'm falling (lou&clare)

la porte est trouble. ses mèches aux reflets blonds collent sur ses joues moites. elle en a des larmes qui coulent, la Clare. elles ne peuvent plus s’arrêter, tempêtes salées qui ruinent son maquillage. adieu YSL, Fenty, Dior. adieu la beauté éphémère. adieu les apparats d’une société d’élégance. c’est la vrai Clare qui apparaît sous le masque, les yeux rouge et le cœur en sang. elle continue de frapper à la porte, inlassable. elle ne partira pas tant qu’on ne lui aura pas ouvert. tant que Lou ne sera pas apparu dans l'embrasure de la porte et ne lui aura pas murmuré des doux mots en la serrant dans ses bras. dieu ce qu’elle est triste, Clare. triste comme cela n’arrive plus. triste comme un soir d’été qui s’achève pour laisser place à l’automne. c’est la période que déteste la brune, l’automne. il y fait froid, il pleut, les feuilles tombent, le temps s’arrête, les amours meurent. voilà qu’elle se remet à pleurer de plus belle alors que la porte s’ouvre enfin, présentant une Louise qui ne sait pas ce qui l’attend. sans un mot Clare se jette dans les bras de l’autre, l’enlaçant dans un sanglot déprimé. ça lui fait trop mal de pleurer, ça la fatigue. elle se sent faible, accrochée à l’autre. elle déteste la faiblesse. mais Lou, elle, elle a le droit de voir le spectacle désarçonnant. Lou sait les tempêtes et les cauchemars qui hantent la Shelley. Lou sait tout d’elle, sauf l’impensable. sauf l'innommable. sauf la vérité. secret qu’elle est épuisée de tenir, masque affreux qu’elle n’assumera jamais. elle reste là, à pleurer sur l’épaule de sa meilleure amie un moment, avant de relever la tête. pour respirer peut-être. pour se donner du courage. “Lou… Luke et Nora vont se marier”. annonce bien pauvre pour des pleurs. annonce qui ne veut rien dire. annonce qui pourtant lui déclenche à nouveau des larmes qu’elle essuie. “Lou.. il faut que je te dise quelque chose. J’ai trop mal, j’en peux plus. Ça fait trop mal.”. l’aveux sera maladroit. après tout, c’est un mensonge qu’elle fait vivre à Louise depuis des mois. onze, pour être exactes. elle en a pourtant vécu des déceptions amoureuses. elle ne sait pas à quoi elle s’attendait avec celle-ci. un compte de fée qui se résoudrait seul, des pardons et des embrassades sous une pluie dorée ? conneries. elle est prise au piège et rien ne pourra l’aider. pas même Lou et son regard perdu. “J’ai merdé, je ne sais plus quoi faire…” elle en perd son souffle, l’hautaine. la faute commise vient lui écraser la poitrine. tomber amoureuse de l’homme d’une autre, quelle connerie. tomber amoureuse de l’amant de sa sœur. quelle folie. elle ne sait pas ce qui lui est passé par la tête. elle a juste envie de crever. elle passe la main sur son visage, s'écarte à peine. “Je peux entrer ?” comme si le non était possible. comme si son âme sœur, sa Lou, pouvait la mettre à la porte. bêtises.

elle n'arrive pas à s'imaginer, l'adulte, enlacée comme un enfant dont le chagrin fait gonfler son cœur. elle s'était promis de ne plus pleurer, surtout par pour lui, escroc aux yeux bruns. une bêtise fatale et douloureuse, un piège dans lequel elle est tombée. voilà deux heures qu'elle l'a quitté et voilà qu'il lui manque déjà. un manque irrationnel et douloureux, un manque coincé au fond de sa gorge, dans sa poitrine, qui l'empêche de respirer. bientôt Clare va mourir et personne ne pourra rien y faire. bientôt la déception, la culpabilité, l'orgueil aussi auront raison d'elle. elle peut se vanter d'être adulte, Clare, d'être grande. au fond, elle ne tient pas la route. poupée de chiffon que l'on perd sur une aire de repos et que l'on ne retrouve plus jamais. elle ne veut plus être retrouvée. Lou la presse contre elle mais cela ne suffit pas. cela ne suffit plus. elle laisse ses barrières tomber, ses vannes s'ouvrir. elle se laisse aller. adieu l'image de dure à cuir, c'est une autre que l'on retrouve. une autre bien mal en point qui renifle. sans voir l'inquiétude de son amie, ni la gêne de la voisine qui s'échappe soudainement de sa demeure pour venir assister au spectacle troublant de la chute de la reine Clare. Clare, qui s'effondre. Clare, qui s'est perdue. elle se laisse enlacer encore, avant de suivre Louise dans l'appartement à l'odeur rassurante. comme un goût de chez soi dans ce lieu si souvent visité. un lieu qui résonne encore de fous rires et de pleurs, de cris de joies et de ces films d'amour stupides que lui fait regarder sa meilleure amie. des films qu'elle regrette, élevée à l'espoir et aux étoiles. l'espoir ne fait rien et sa vie est une catastrophe. trente-deux ans, pas mariée, même pas directrice de son pôle. amoureuse du seul type qui lui est interdit. le constat est douloureux. il lui brise le cœur plus encore et elle se laisse tomber sur le canapé et dans les bras de sa tendre Louise qui essaye comme elle peut. ça la touche Clare, même si elle ne le dit pas. ça la fait se sentir mieux, une respiration moins saccadée et une tête moins lancinante. ça la soulage. le temps passe encore. il est long le silence qui les sépare des aveux. elle ne veut pas blesser sa meilleure amie et pourtant Clare sait que la brune prendra mal le silence des derniers mois. des secrets et des mensonges accumulés par pur égoïsme. par amour aussi, peut être. elle n'en est même plus sûre. a-t-elle foncé dans le tas pour briser des vies, son amour pour lui ne serait-il qu'un autre moyen de faire chier le monde ? si Clare est une égoïste, elle n'ose se croire coupable. un homicide involontaire, voilà de quoi il s'agit. et le sang de sa sœur est encore chaud. “Je suis une personne horrible Louise. Si tu savais... Je suis affreuse”.  elle n'a plus la force de se cacher. “Je suis désolée. J'aurais dû te le dire. Je n'aurais pas du te cacher tout ça.” elle a du mal à le dire, à le cracher. elle prend son temps, elle respire, pleure, respire. elle n'ose pas. elle ne veut pas la regarder. “Je l'aime.”